Ahmed Mahdi, angliciste
Linguistique et traduction.
Typologies de l’islam occidental dans les encyclopédies, les dictionnaires et les lexiques européens aux XVIIIe et XIXe siècles
Le 9 mars 2023
Colloque international : 16-17 mars 2023 à Nancy
Ce colloque international sur les « Typologies de l’islam occidental dans les encyclopédies, les dictionnaires et les lexiques européens aux XVIIIème et XIXème siècles », s’inscrit dans la continuité de la journée d’études « Résonances islamiques en Occident », organisée à l’université de La Réunion en mars 2022.
À travers cette manifestation scientifique, nous envisageons de revisiter les encyclopédies, les dictionnaires et les lexiques produits en Europe tout au long des XVIIIème et XIXème siècles pour interroger les liens fondateurs et mutuellement structurants de la langue et de la pensée dans la formation et le développement des identités culturelles. Il est évident depuis les années 1970 que les dictionnaires, encyclopédies et lexiques ne sont pas seulement des ouvrages de référence propres à synthétiser et classer les connaissances, à édifier un savoir en traitant des informations et des réalités du monde (Dubois : 1971). Leur dimension éducative se manifeste aussi dans leur propension à orienter un regard et à construire une vision commune des identités (Colombani : 1997). Ainsi, ce colloque sera-t-il l’occasion d’étudier les modalités conceptuelles et méthodologiques retenues par ces corpus savants pour décrire l’islam selon des types déterminés par le choix de certains critères et symboles. Un ensemble de représentations, de perceptions mentales, le plus souvent inconscientes et collectives, a régi les définitions et les entrées que ces textes en ont fournies. Les informations qui y abondent constituent un discours à part entière, avec ses propres spécificités et stratégies (Glatigny : 2003). Elles comportent les traces d’un imaginaire collectif qui fabriquait ces représentations sur l’autre ; l’islam alors perçu comme un espace géopolitique (empire ottoman), mais également comme un espace culturel et religieux (monde musulman).
Cette réflexion sur les typologies de l’islam occidental peut être traitée selon différents points de vue :
Les auteurs : Quelle est la situation sociale des auteurs de ces entrées ? Quelles sont leurs filiations idéologiques et politiques, leurs méthodologies, leurs sources, leurs compétences dans les langues orientales ? Il s’agira d’adopter ici une approche contextuelle et historienne pour éclairer certaines préoccupations ou obsessions sur l’extranéité de l’islam, devenues ensuite des clichés occidentaux.
Les articles/entrées : le style du texte, son format, son genre, ses emprunts, ses références. L’étude de ces textes pourra donc être envisagée selon une approche littéraire (narration, description, caractères, caricatures, chroniques, etc.) ou lexicographique (principes de classement des entrées, transcription, équivalences lexicologiques, invention de notions, etc.). Dans quelle mesure le style de ces articles reflète une manière d’être et de penser, typique de soi plus que de l’autre ? Une attention particulière pourra être accordée à la typologie généralisée de l’islam ou du musulman, notamment à travers la construction de clichés physiques, sociaux, anthropologiques ou culturels.
La réception : à qui s’adressaient ces textes (hommes politiques, hommes de religion, lecteurs profanes sous l’influence de l’Église, public néophyte) ? Comment ont-ils été reçus ? Quels sont les facteurs socio-psychologiques qui ont influencé ces lectures ? Y a- t-il eu un travail de réécriture, d’appropriation, d’altération ? Ces typologies naissent dans une histoire culturelle des idées gouvernée par les contextes politiques et militaires qui agitaient l’Europe d’alors (la recherche des marchés en Orient, la rivalité avec les Britanniques).
La science : Quels sont les domaines de la culture musulmane classique qui ont attiré davantage l’attention de ces auteurs ? Quels sont les domaines ignorés ou délaissés ? Quels sont les objets d’étude récurrents dans ces corpus et qui auraient empêché d’y voir d’autres dimensions de l’islam ? Comment expliquer la focalisation sur la violence à travers le Coran ? sur la vie du prophète, la sīra ? ou bien encore sur certaines particularités du droit islamique ? Quelles sont les raisons d’un tel intérêt ? Les typologies sous-jacentes de ces dictionnaires et encyclopédies s’inscrivent-elles dans l’histoire des sciences, selon l’évolution des principes qui régissent la connaissance, son organisation, sa conception et sa diffusion ? Quel est le rôle de ces corpus dans la construction du savoir occidental à propos de l’islam ?
La littérature : Comment la fiction se positionne-t-elle par rapport à ces ouvrages de référence ? Quelle légitimité donne-t-elle à ces représentations dites « savantes » ? En quoi a-t-elle validé ces typologies tout en créant par rapport à elles une norme identitaire culturelle et politique ? En quoi ces typologies de l’altérité musulmane ont- elles façonné des modèles et des fictions nécessaires à la construction de soi ?
L’interprétation contemporaine : Peut-on juger les erreurs, les exagérations, les préjugés, les amplifications, les limitations, les manipulations, les silences de ces corpus ? Faudrait-il les étudier comme une réponse à des éléments historiques inhérents à l’Europe d’alors ? En quoi ces typologies ont-elles déterminé des stéréotypes encore présents dans les relations contemporaines entre l’Occident et le monde musulman ? Quelle est la force de ces typologies qui, quatre siècles plus tard et malgré de nombreuses études scientifiques, empêchent un véritable dialogue ?
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Comité d’organisation :
Nejmeddine Khalfallah (Université de Lorraine, France)
Bénédicte Letellier (Université de la Réunion, France)
Fouad Mlih (Université de Lorraine, France)
Comité scientifique :
Bénédicte Letellier (Université de la Réunion, France)
Fadi Jaber (Université de Lorraine)
Fouad Mlih (Université de Lorraine)
Laurence Denooz (Université de Lorraine, France)
Nejmeddine Khalfallah (Université de Lorraine, France)
Rima Labban, (Université de Montpellier)
Pascale Pellerin (CNRS. IHRIM)
Le Qur’ān, ouvrage sacré par excellence des musulmans car considéré comme verbe de Dieu, peine à gagner un titre stable dans les langues vernaculaires européennes du XVIIe et du XVIIIe siècles.
Dans un occident qui s’intéresse de plus en plus à l’islam, le lexicographe, le philosophe ou encore le traducteur, en somme, l’écrivain, doit trouver un nom au prophète de cette religion « étrangère ».
L’équipe interuniversitaire LangaJE a le plaisir d’annoncer l’organisation d’une journée d’étude sur le thème de la valorisation des résultats et des données de la recherche en linguistique hors de l’université.